Image par défaut

Histoire
en bref …

Si le site où est bâtie la ville n’a pas livré de vestiges archéologiques antérieurs au Moyen Age, ses alentours immédiats ont fourni de nombreuses preuves d’occupation aux époques préhistoriques dont la plus ancienne est un biface vieux de 300.000 ans découvert dans la falaise de la Mine d’Or à Pénestin.

Il faut attendre les environs de l’an mille pour avoir la première mention de la construction d’un château bâti sur un rocher, au fond d’une ria de l’estuaire de la Vilaine. Le château des origines consistait probablement en un donjon entouré d’un fossé et d’une palissade de bois. En 1063, il est question, dans les documents, d’une église qui, avec le château, forme l’embryon d’un bourg civil. Le bourg religieux apparaît plus tard, à l’extrême fin du 11e siècle, les moines de l’abbaye de Redon obtenant du seigneur de la Roche à cet effet trois modestes arpents de terre, à peine un hectare et demi.

Tout au long du siècle, des mentions de taxes perçues par le seigneur du lieu sur les navires passant sur la Vilaine ou sur les denrées vendues au bourg font penser que le commerce se développe et que le lieu attire les marchands. Les voies romaines n’y passant pas, un détournement du trafic venant de Nantes dût s’opérer et impliqua sans doute la construction d’un tronçon de route entre la forêt de la Bretesche et le passage de Guédas, mentionné dès le 11e siècle.

La construction du château n’a cependant pas été facile ; les premiers seigneurs du lieu, Bernard et son fils Riwallon sont tués par leurs ennemis. Si ces seigneurs guerriers sont entourés de Normands comme les noms de vassaux tels que Richard ou Normand retrouvés dans les chartes l’indiquent, il n’est toutefois pas assuré que Bernard fut un Viking. Il a pu appartenir à la « noblesse » locale, ce qui expliquerait l’intégration puis l’ascension rapide de sa lignée dans la noblesse bretonne. Ce n’est qu’au 13e siècle, en 1231 qu’un titre porte pour la première fois le nom du lieu : Rocha Bernardi, consacrant ainsi Bernard comme l’ancêtre fondateur.

Les seigneurs rochois règnent alors sur un territoire dont les limites ne sont pas faciles à établir. On sait que leurs terres s’étendent de part et d’autre de la Vilaine. Les liens de vassalité des seigneurs d’Assérac, la fondation d’une abbaye à Saint-Gildas des Bois vers 1040, celle d’un prieuré à Moutonnac en Nivillac vers 1115, la possession de la forêt de la Bretesche, sont autant d’indications sur un pouvoir qui ne cesse de grandir.

Par le jeu des alliances, La Roche-Bernard se dilue à la fin du 14e siècle dans les grandes possessions des familles de Montfort, puis de Laval qui dirigent à la fin du 15e siècle de nombreuses villes bretonnes. La guerre de succession de Bretagne dans laquelle le baron de La Roche-Bernard soutient le parti vaincu de Charles de Blois, voit, par représailles, la destruction du château de La Roche-Bernard puis l’établissement des barons rochois au château de La Bretesche en Missillac.

Lieu de passage fréquenté, le bourg se devait de posséder des structures d’accueil et de secours, ce que suggèrent les toponymes rochois de la Maladrerie, du Bocénno et de l’Hôpital.

Du point de vue religieux, La Roche-Bernard est une trêve, une succursale de la paroisse de Nivillac. Elle possède l’église Saint-Michel de l’Hôpital et la chapelle Notre-Dame.

Au 15e siècle, le bourg de La Roche-Bernard comporte environ 500 habitants. Les nouveaux faubourgs de la rue Saint-James et de l’Hôpital, simples rangées de maisons au bord de la route, s’opposent au parcellaire complexe du Baillage, centre historique du bourg avec ses halles sur la place actuelle du Bouffay.

Quatre grandes foires annuelles ont alors lieu à la Sainte Luce, à la Saint Jacques, à la Pentecôte et à la Saint Matthieu ainsi que deux marchés hebdomadaires.

Au 16e siècle, Claude de Rieux, femme de François d’Andelot, apporte dans sa dot les terres de La Roche-Bernard. En 1558, ce dernier, étant en tournée d’inspection militaire en Bretagne convoque ses vassaux à La Bretesche afin d’y écouter deux pasteurs prêcher la foi nouvelle, le protestantisme. Le 2 juin, la Cène est célébrée à Lourmois en Nivillac. Un pasteur, Jean Louveau, est installé à La Roche-Bernard en juillet 1561. L’histoire des protestants rochois est assez chaotique et suit la tournure que prennent les événements nationaux. N’ayant plus ni lieu de culte, ni de pasteur après 1660, les protestants sont de moins en moins nombreux et les dernières abjurations ont lieu en 1685. Il est impossible d’évaluer le nombre de protestants rochois de cette époque, mais la communauté n’est sans doute pas très importante.

La Roche-Bernard reçoit officiellement son titre de ville en 1666, ce qui lui permet d’envoyer des représentants aux Etats de Bretagne à Rennes. Le corps politique se compose de deux maires élus pour deux ans et dont les fonctions s’alternent, d’officiers de justice et d’échevins qui doivent, eux, acheter leur charge. Lorsque la ville se présente aux Etats, ses comptes sont positifs, ce qui est très rare à l’époque. La Roche-Bernard semble alors très prospère : centre de foires et de marchés permettant des échanges entre les pays vannetais et guérandais proches, attirant des marchands de Normandie ou du Maine. Le trafic portuaire écoule la production locale (vin, sel, céréales…) et facilite les échanges avec de nombreux ports de la façade atlantique (Espagne, Portugal…) ainsi qu’avec le Nord de l’Europe (Angleterre, Allemagne, Suède, Norvège…).

La prospérité maritime rochoise est consacrée, à la fin des années 1630, par la construction ordonnée par Richelieu du vaisseau La Couronne, un des premiers vaisseaux de la flotte de guerre royale. D’une soixantaine de mètres de long, le bateau embarque 600 hommes d’équipage à son bord. Si la Couronne impressionna les contemporains par son allure, le navire était très instable sur l’eau. Il sortit des chantiers d’armement de Brouage en 1638 pour aller combattre sur les côtes d’Espagne et finit sa carrière deux ans plus tard dans le port de Brest.

A la veille de la Révolution, La Roche-Bernard est un centre administratif qui accueille un sénéchal, de nombreux gens de justice, des professions libérales (avocats, notaires et médecins) Un régent et écrivain assure l’éducation des garçons, secondé par des demoiselles de bonne famille ou des religieuses pour les filles. Mais, les plus nombreux en ville sont les gens de journées, hommes et femmes de labeur, porteurs et autres portefaix qui vivent pour beaucoup dans des conditions difficiles. Les artisans et commerçants viennent ensuite. Ils sont  spécialisés dans le textile, le bois et le fer ; la ville possède en effet de nombreux cloutiers. En tout 1200 personnes environ dans les années 1780.

En 1789, deux partis, deux familles presque, se disputent le pouvoir : les négociants Lévesque, Guilloté, Le Floc’h s’opposent aux magistrats Thomas. Après les mauvaises récoltes de cette année-là, les négociants, accusés d’avoir fait monter artificiellement les prix, sont éloignés provisoirement du pouvoir décisionnaire. Les patriotes, favorables aux idées révolutionnaires, sont emmenés par Le Floc’h du Cosquer ; les contre-révolutionnaires sont, eux,  dirigés par les Thomas. Les nombreuses péripéties de l’histoire révolutionnaire font s’affronter les deux camps. On retiendra ici le soulèvement populaire de 1793 qui suit la levée de 300 000 hommes pour faire face à une coalition européenne hostile à la Révolution française. Il s’ensuit une insurrection dans l’Ouest. 5000 hommes arrivent à La Roche-Bernard et prennent la ville le 15 mars 1793. Les administrateurs Le Floc’h et Sauveur sont tués. Suite à ces événements, on arrête 150 personnes, dont trente Rochois. Certains sont guillotinés pour l’exemple, comme le maire de Férel François Chatal, accusé d’avoir séquestré le curé constitutionnel Bercejay. La Roche-Bernard change de nom de 1793 à 1802 et devient La Roche-Sauveur en souvenir de l’administrateur tué lors de l’insurrection. Une véritable guérilla s’ensuit entre Les Chouans et les Républicains qui prennent et reprennent la ville tour à tour jusqu’en 1800, date de la soumission de Cadoudal, chef des Chouans de la région.

La Révolution amène de profondes modifications d’appartenance. La Roche-Bernard devient chef-lieu de canton en 1790. Au terme d’un échange entre trois départements, La Roche-Bernard et les communes du canton de la rive gauche de Vilaine passent au département du Morbihan et sont sous l’autorité administrative et religieuse de Vannes alors que sous l’Ancien Régime, La Roche-Bernard dépendait de Nantes.

Le 19e siècle est pour la ville une période de changements structurels importants et encore visibles aujourd’hui. Le pont sur la Vilaine, inauguré en 1839 met un terme provisoire aux activités des bacs de Guédas en assurant un passage du fleuve plus confortable. De nombreux essais furent cependant nécessaires avant d’avoir un pont vraiment fiable. Le pont amène la création de la rue Crespel de la Touche et contribue à l’extension de la ville vers le nord.

L’arrivée du chemin de fer est un autre chantier qui va modifier la ville. Les lignes venant de Vannes et Saint-Nazaire sont raccordées en 1912 et amorcent, avec la gare la construction d’un nouveau quartier qui confirme le déplacement au nord du centre de gravité de la ville.

Le port, après un début de 19e siècle difficile, retrouve une activité importante avec l’échange des céréales et du bois local contre le charbon du Pays de Galles. La chaux, venant des Pays de Loire est déchargée sur des quais remis à neuf entre 1839 et 1843. Elle contribue aussi à l’essor de l’agriculture locale qui alimente les marchés et les foires. Cette activité portuaire est cependant concurrencée sérieusement par le chemin de fer et les échanges diminuent progressivement au début du 20e siècle jusqu’à cesser totalement dans les années 1930.

Pendant la seconde guerre mondiale, La Roche-Bernard est occupée par l’armée allemande de 1940 à 1945. D’août 1944 à mai 1945, elle fait partie de la poche de Saint-Nazaire et est la cible de bombardements américains les 5 et 9 août 1945. Le pont, miné par les Allemands, saute, frappé par la foudre lors d’un violent orage le 15 août 1945. Jusqu’en 1948, le bac reprend du service et de 1948 à 1960, date de la construction du nouveau pont, une passerelle flottante est installée avec du matériel utilisé lors du débarquement de Normandie. Un autre pont est édifié en 1996, à un kilomètre en amont.

Hervé Dréan – Historien local